En mémoire d’Alfred, Auguste, Marius BERTRAND (cellule 125)…

Le Mémorial National de la prison de Montluc a été créé afin de rendre hommage aux Juifs, Résistants et otages, victimes des nazis et de Vichy, en abordant l’étude des politiques de répression et de persécution de 1939 à 1944. Lieu emblématique de la mémoire lyonnaise, la prison de Montluc regroupe de nombreuses strates historiques se succédant de 1921 à 2009, date de fermeture de la Maison d’arrêt pour femmes.


Une nouvelle prison militaire 1921 – 1939


Décidée dès 1914, la construction de la prison militaire de Montluc n’intervient qu’en 1921 dans le cadre d’une réorganisation de la justice militaire à la suite de la Première Guerre mondiale. Elle jouxte un nouveau tribunal militaire en charge d’une large partie du sud-est du territoire français.

Construite sur un terrain appartenant au Ministère de la guerre, à proximité du fort de Montluc, édifié dans les années 1830, la prison en prend le nom bien que les deux structures restent distinctes.

Composée de 122 cellules individuelles ainsi que d’un pavillon de détention pour les officiers, la capacité totale de la prison de Montluc est de 127 détenus. Outre ces espaces de détention, la prison se divise en deux grandes parties.

La première, administrative, se compose du greffe, des cuisines et des espaces techniques et administratifs. La seconde, au sud du bâtiment cellulaire, comporte le réfectoire, les douches, les cours de promenades et les ateliers.

Très peu utilisée dès son achèvement, notamment du fait de la libération progressive de nombreux soldats condamnés pendant la Première Guerre mondiale, Montluc est finalement rattachée à la justice civile en 1926 et ferme finalement ses portes en 1932.



Une prison dans la guerre 1939 – 1940


Quelques mois après la déclaration de guerre, en décembre 1939, la prison de Montluc rouvre ses portes. Outre les habituels justiciables militaires, insoumis, espions, on retrouve également à Montluc et dans toutes les prisons militaires françaises, les premiers détenus du fait de l’état de siège décrété le 1er septembre 1939. Des détenus politiques, essentiellement des militants communistes, suite à la signature du pacte de non agression germano-soviétique, sont alors victimes de ces premières juridictions d’exception, rattachées au tribunaux militaires.


Une prison au service de Vichy  Juin 1940 – janvier 1943


Le tribunal militaire et la prison.

La signature de l’armistice, le 22 juin 1940, et l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain en juillet 1940 accentuent la répression entamée dès la déclaration de guerre.

Située en zone sud, la prison de Montluc conserve son statut militaire et devient progressivement un outil au service du régime de Vichy et de nouvelles juridictions d’exception.

Aux communistes déjà enfermés dès 1939, s’ajoutent alors différents types de détenus tels que des anarchistes, franc-maçons et les premiers résistants arrêtés dans la région.

Dès 1940, jusqu’à 360 personnes sont enfermés à Montluc pour une capacité théorique de 127 détenus. Les conditions de vie des prisonniers se durcissent mais restent, selon les archives et les témoignages des détenus de cette période, relativement acceptables, notamment au regard de la situation dans les prisons civiles. Les détenus bénéficient entre autres d’un droit de promenade, de trois repas quotidiens, de douches et de colis qui améliorent leur quotidien.

Enfin, la totalité des personnes enfermées sous Vichy sont jugées par un tribunal militaire français et condamnées à des peines précises. Parmi les personnes incarcérées à cette période, on retrouve notamment Jean de Lattre de Tassigny. Condamné par le tribunal d’État de Lyon le 9 janvier 1943 pour avoir refusé l’ordre de ne pas s’opposer à l’invasion de la zone sud par les Allemands, il est détenu à Montluc avant son transfert à la prison de Riom.


La prison de Montluc Haut lieu de la mémoire nationale


Le Mémorial National de la prison de Montluc a été créé afin de rendre hommage aux Juifs, Résistants et otages, victimes des nazis et de Vichy, en abordant l’étude des politiques de répression et de persécution de 1939 à 1944.

Lieu emblématique de la mémoire lyonnaise, la prison de Montluc regroupe de nombreuses strates historiques se succédant de 1921 à 2009, date de fermeture de la Maison d’arrêt pour femmes.

Moins célèbre, Frank Séquestra est également détenu à Montluc après avoir été condamné à 6 mois de prison pour avoir mené des activités pro-gaullistes dans la région de Mâcon. Il réalise de nombreux dessins durant sa détention entre juillet 1941 et janvier 1942. Témoignages précieux, ils nous éclairent sur les conditions de vie des détenus à cette période. Certains sont présentés dans l’exposition permanente du Mémorial.


Une prison militaire allemande – Du 8 janvier 1943 au 24 août 1944


L’invasion de la zone sud, le 11 novembre 1942, suite au débarquement anglo-américain en Afrique du Nord change profondément la situation à Lyon. Elle entraîne non seulement l’arrivée de la Wehrmacht et des forces de police allemandes mais rend également caduque une partie de la convention d’armistice de juin 1940 et conduit au démantèlement de l’armée française.

Après une première réquisition partielle de la prison en janvier 1943, l’armée allemande réquisitionne totalement le site le 17 février 1943. Les détenus enfermés par Vichy sont alors transférés au fort de Vancia (Rhône), à la prison civile de Saint-Paul à Lyon ou celle de Nontron (Dordogne).

Montluc est alors un véritable lieu de transit et la porte d’entrée vers l’univers concentrationnaire allemand. C’est notamment à Montluc que sont détenus Jean Moulin et ceux arrêtées avec lui le 21 juin 1943 à Caluire dans la maison du docteur Dugoujon.

En dépit de son statut militaire, la prison passe rapidement sous le contrôle de la Gestapo et notamment de Klaus Barbie, chef de la section IV du Sipo-Sd de Lyon. Résistants et opposants politiques côtoient désormais Juifs, otages, réfractaires au STO et quelques droit-commun arrêtés dans la région Rhône-Alpes.


Une prison civile dans l’après guerre 1947-1958


La fin de la guerre entraîne également une réforme des établissements pénitentiaires civils et militaires. Ainsi, un décret du 25 octobre 1947 supprime définitivement les prisons militaires en métropole. Les bâtiments et une partie du personnel sont alors transférés à la justice civile et Montluc relève désormais du Ministère de la justice.

Cependant, la prison demeure toujours liée au tribunal militaire jusqu’à sa dissolution en 1982. Le tribunal militaire allemand continue également de fonctionner et fait fusiller au moins 79 personnes entre octobre 1943 et juillet 1944 sur le stand de tir de La Doua à Villeurbanne.

Parallèlement à ces arrestations, la population carcérale de Montluc augmente rapidement et culmine au début de l’année 1944. Au plus fort, ce sont près de 1300 personnes qui sont internées à Montluc qui perd alors son statut de prison pour devenir un lieu d’internement, un réservoir d’otages.

Au-delà des cellules, tous les espaces de la prison sont progressivement transformés en lieu d’enfermement : les douches, les toilettes et les ateliers. Une baraque en bois, appelée par la suite « baraque aux Juifs » est même utilisée afin d’enfermer, en majorité, les hommes juifs de plus de 15 ans.

Les cellules de 4m2 peuvent alors accueillir jusqu’à huit détenus avec pour seul mobilier, une tinette et une paillasse. Les repas deviennent de plus en plus rares et les colis encore autorisés en 1943, sont progressivement supprimés. La toilette n’existe plus et les insectes prolifèrent dans la prison.

Les interrogatoires et la torture effectués au siège de la Gestapo se généralisent. Montluc constitue alors une première étape dans le processus de déshumanisation voulu par les nazis. Des familles juives entières sont amenées à Montluc, même si nombre d’enfants étaient séparés des parents pour être enfermés à l’hôpital de l’Antiquaille. Tous sont en attente d’un transfert vers Drancy puis d’une déportation dans les centres de mise à mort situés en Pologne.

Les résistants, opposants politiques et réfractaires aux STO sont eux, transférés vers les camps de transit de Compiègne et Romainville avant une déportation dans les camps de concentration allemands. Au total, entre le 17 février 1943 et le 24 août 1944, date de la libération de la prison, ce sont près de 10 000 personnes qui sont internées à Montluc.

Plus de 60% d’entre-eux sont déportés et près de 10% sont fusillés ou exécutés dans la région lyonnaise. En effet, l’intensification de la répression à partir du début de l’année 1944 coïncide non seulement avec une augmentation du nombre de convois de déportation mais également avec une généralisation progressive des exécutions sommaires.

La pression de plus en plus forte exercée par la Résistance puis par les forces alliées suite aux débarquements de Normandie en juin 1944 et en Provence en août 1944 entraîne les Allemands dans un processus de liquidation massif des détenus de Montluc. Dès la fin du mois d’avril, des camions viennent récupérer des détenus afin de procéder à leur exécution dans différents lieux de la région lyonnaise. Ce sont au moins 556 internés de Montluc qui sont ainsi massacrés entre les mois d’avril et août 1944.

À eux seuls, les deux derniers massacres de Bron, les 17, 18 et 21 août et de Saint-Genis-Laval le 20 août 1944 représentent plus d’un tiers des personnes exécutées avec au moins 229 victimes, quelques jours seulement avant la libération de Montluc. Craignant des représailles devant l’avancée des Alliés, l’armée allemande décide de quitter la prison le 24 août 1944 en fin de journée. Dès le lendemain, les quelques 900 internés, alors encore à Montluc sont transférés dans des structures religieuses situées à proximité. Ils y restent cachés jusqu’à la libération de la ville de Lyon, le 3 septembre 1944.


De la libération à l’épuration – Août 1944–1947


Quelques jours après la Libération, Montluc se retrouve au centre du dispositif judiciaire mis en place dans la région lyonnaise par le commissaire régional de la République. La prison devient alors un centre de détention de cette justice dite « d’épuration » pour les collaborateurs et les criminels de guerre allemands et français. Plus de 900 personnes sont ainsi internées à Montluc dès le mois d’octobre 1944 en attente d’être renvoyées vers l’une des juridictions instaurées par le gouvernement provisoire.


La guerre d’indépendance algérienne 1958-1962


Suite aux attentats de septembre 1958, le Tribunal Permanent des Forces Armées de Lyon (TPFA) prend le relais du tribunal correctionnel jusqu’alors compétent pour les affaires liées à la guerre d’Algérie. La répression policière et judiciaire conduit à de très nombreuses arrestations et les prisons lyonnaises se remplissent rapidement. Montluc sert alors de lieu de détention aux condamnés à mort et aux femmes sympathisantes des mouvements indépendantistes.

Le TPFA de Lyon prononce 113 condamnations à mort dont treize sont suivies d’une exécution sur un totale de 24 au niveau national. Entre septembre 1959 et janvier 1961, onze Algériens, membres du FLN sont guillotinés à Montluc ainsi que deux à Dijon. C’est dire le rôle et la place centrale de la prison et du tribunal dans le dispositif répressif de l’État français.


Une prison à part


Toujours liée au Tribunal Permanent des Forces Armées jusqu’en 1982, date de la dissolution des tribunaux militaires, la prison de Montluc occupe une place à part dans le parc pénitentiaire lyonnais.

Malgré des cellules de 4m2, vétustes et ne disposant pas de sanitaires, Montluc reste une prison à échelle humaine. La diversité des détenus, plutôt jeunes, objecteurs de conscience, témoins de Jéhovah et d’autres qu’il est nécessaire d’écarter des grands établissements font de Montluc une prison réputée tranquille.

En 1983, Klaus Barbie est incarcéré à la prison de Montluc, sur le lieu de ses crimes, à la demande du garde des Sceaux Robert Badinter. Il y reste symboliquement détenu une semaine avant d’être transféré à la prison Saint-Joseph jusqu’à son procès en 1987 puis son décès en 1991. Il est ainsi le dernier détenu lié à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale enfermé à Montluc.

L’aile de détention des hommes ferme officiellement ses portes en 1997. Des travaux de rénovation dans l’aile des femmes réalisés à la fin des années 1980 permettent de continuer à l’utiliser en tant que maison d’arrêt jusqu’en 2009, date de sa fermeture définitive. Dans les années 2000, ce sont tout de même plus de 70 personnes qui sont détenues pour une capacité théorique de 27 places.


Un mémorial, haut-lieu de la mémoire nationale – 2010 à nos jours


Suite à sa fermeture en 2009 et aux menaces de démolition qui pèsent sur les bâtiments, plusieurs associations telles que l’Association des Rescapés de Montluc et l’Association des Fils et Filles Déportés Juifs de France, soutenues par les pouvoirs publics, font pression pour sauvegarder la prison.


Exposition temporaire


Du 07 septembre 2018 au 28 avril 2019 : Les traces – Histoires d’une prison, Montluc 1921 – 2010. Accès libre et gratuit

Visites guidées gratuites tous les premiers samedis du mois à 10h30 sur réservation. Des visites ainsi que des événements en langue des signes françaises ouverts spécialement aux personnes sourdes et malentendantes sont proposées toute l’année. Des visites découverte de l’exposition sont également proposées pour les scolaires et leurs enseignants.


Conférences


Organisées en partenariat avec les Archives Départementales et Métropolitaines, plusieurs conférences se tiendront dans l’amphithéâtre des archives. Les fusillés de Dagneux et les massacres de l’été 1944 Par Tal Bruttmann, Historien spécialiste de la Shoah Jeudi 22 novembre 2018 à 18h00.


Projections


Développé en partenariat avec le cinéma Comoedia, le Mémorial propose un cycle de trois projections autour de la thématique de l’exposition. Des interventions-échanges ainsi que des visites thématiques de l’exposition seront proposées à l’issue de ces projections.

– Lacombe Lucien de Louis Malle, 1973 Jeudi 10 janvier 2019 à 20h

– Enfermés mais vivants de Clémence Davigo, 2017 Projection en présence de la réalisatrice, Lundi 4 Février 2019 à 20h

– Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson, 1956 Projection spéciale scolaire Jeudi 28 mars à 9h30


Tarifs et accessibilité


Les visites du Mémorial National de la prison de Montluc sont gratuites. Seuls le rez-de-chaussée et les extérieurs sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.


Sources :

Textes & photos : Site internet du mémorial de la prison de Montluc


Merci à tous ceux qui font de ce mémorial un lieu incontournable pour la mémoire de nos ancêtres…


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