Le Figaro, dans sa « Une » du jeudi 29 avril 1886, consacre une colonne sur la mort d’un compatriote français tué en Afrique dans  d’atroces circonstances.


Né à Paris en 1848 et père de trois enfants, Léon BARRAL est durant sa carrière professionnelle, chargé de missions scientifiques par le ministère de l’Instruction Publique.

Pionnier, il fait parti, en 1876, avec Charles Tellier de la première expédition du navire Frigorifique qui parti de Rouen transporta de la viande à Buenos Aires (La Plata) en bon état de conservation après 105 jours de mer.

Il fut également chargé entre 1879 et 1880 d’une mission en Perse pour la maison Mignon et Rouart.

Puis en 1883, il se rend sur les Côtes Françaises des Somalis, nom donné au territoire de Colonies Françaises autour du Golfe de TADJOURAH  – actuelle République de Djibouti. Il y rencontre le roi Menelik II et lui remet des fusils, des baromètres, des thermomètres et divers produits parisiens.  Entre autres du phénol BOBOEUF et une quantité considérable de parfumerie au phénol commandée par le roi Ménélik luimême comme nous l’explique le journal.

Carte de la côte française des Somalis et régions avoisinantes / Dressée par A. Meunier – Gallica

En 1886 lors d’une nouvelle mission, Léon BARRAL après avoir traversé le désert, n’était plus qu’à quelques jours de marche de CHOA lorsqu’il fut pris à partie par cinq cents cavaliers d’une tribu aborigène qui le massacrèrent sauvagement. Le corps sera découvert deux jours plus tard, dévoré par les hyènes comme le relate le Journal des débats politiques et littéraires dans son édition du samedi 24 avril 1886.

Journal des débats politiques et littéraires, édition du 24 avril 1886, Colonies françaises <br>Gallica


Le décès de Léon BARRAL sera officialisé quinze ans plus tard sur la réquisition de son fils Pierre. Ainsi, le 26 mars 1901, le juge de paix de Djibouti rendra en audience publique le jugement suivant :

« A la date du 25 février 1886, Monsieur Léon BARRAL, explorateur, est mort assassiné à AMOÏSSE, pays des DAUHALIS, par des indigènes de la tribu des ASSAÏMARAS. Que la certitude du décès résulte des faits rapportés dans un procèsverbal en date du 02 mars 1886 signé de M.Chefneux, administrateur de la Compagnie des Chemins de Fer ETHIOPIEN et de Monseigneur Louis G. de LASSERRE, évêque de Maral. Qu’il a été trouvé près du cadavre des papiers et objets nombreux lui appartenant, qui ne peuvent laisser subsister aucun doute sur l’identité du dit M.Barral… Ordonne que le présent jugement soit pour tenir lieu d’acte de décès dudit Barral Léon, transcrit à la date et au numéro d’ordre de sa réception sur le registre courant des actes de l’état civil de DJIBOUTI.« 

Extrait du jugement tenant lieu d’acte de décès du Sieur BARRAL Léon
Côte française des Somalis DJIBOUTI – Année 1901
Archives nationales d’outre-mer (ANOM)

Un grand-père militaire, chevalier de la légion d’honneur

Léon BARRAL était le petit-fils de Jean Augustin BARRAL né en Savoie à SAINT-MARTIN-BELLEVILLE le 18 mars 1782; Sous-Lieutenant dans le 26ème régiment d’infanterie légère. Ses nombreuses campagnes militaires – Prusse, Autriche, Russie, lui ont valu d’être nommé chevalier de la légion d’honneur.

Jean Augustin BARRAL
Chevalier de la légion d’honneur (extrait)
Archives nationalessite de Paris – Cote LH/119/39

Polytechnique, manufacture des tabacs et découverte de la nicotine

Le père de Léon BARRAL, aussi prénommé Jean Augustin, est un chimiste, physicien et agronome français, né à METZ le 31 janvier 1819 et décédé à FONTENAY-SOUS-BOIS le 10 septembre 1884.

Entré en 1838 à l’École polytechnique, il en sortit en 1840 avec le titre d’ingénieur des tabacs, attaché à la manufacture de Paris. Il débuta par la recherche au sein de la feuille de tabac la substance toxique dont la présence est alors soupçonnée, mais que personne n’était encore parvenu à obtenir pure et à analyser. Il parvint ainsi le premier, à isoler la nicotine. Cette découverte majeure le mit immédiatement en lumière et fut consignée en 1845 dans les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences.

Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences <br> Premier mémoire sur la tabac par M. BARRAL – Gallica

S’ensuivirent de nombreuses autres études sur l’or, l’argenture galvanique, les électro-aimants, la composition des eaux pluviales, le drainage des terres arables, l’irrigation ainsi que la composition chimique de la croûte et de la mie de pain…


Ascensions en ballon et nouvelles découvertes

1804 – Gay-Lussac et Biot à 4 000 mètres de hauteur <br> (Chromolithographie du XIXe siècle) <br> Wikimedia Commons

En 1850, les 29 juin et 17 juillet, en compagnie de Jacques Alexandre Bixio – agronome et ministre de l’Agriculture et du Commerce sous la présidence de Napoléon III, Jean Augustin BARRAL a exécuté deux ascensions en ballon qui resteront célèbres. En effet depuis 1804, date de celles de Biot et Gay-Lussac, elles furent un réveil pour la science aérostatique, complètement délaissée jusqu’à cette époque. La seconde fut féconde en résultats scientifiques démontrant que la température des différentes couches atmosphériques subissait des variations analogues aux variations de la température à la surface de la terre.

Un professeur et de brillant élèves

BARRAL a professé la chimie, la physique, la technologie, l’agronomie à l’École polytechnique, au collège CHAPTAL ainsi qu’au collège SAINTE-BARBE, où il a formé les élèves les plus brillants tels que Eiffel, Puton, Tessié du Motay et bien d’autres…

Il consacrera la seconde partie de sa vie au développement de l’agriculture et sera promu au grade de commandeur de la Légion d’honneur le 12 juillet 1880.


L’hommage de Gustave EIFFEL

Sur la tour Eiffel, Gustave Eiffel a fait graver 72 noms de scientifiques, ingénieurs ou industriels qui ont honoré la France de 1789 à 1889. Ses travaux lui valent d’être nommé sur la face Grenelle de la tour Eiffel. 


Abonnez-vous à ce blog par e-mail.

Saisissez votre adresse e-mail pour vous abonner à ce blog et recevoir une notification de chaque nouvel article par e-mail.

Sources & biographies :

  1. Figaro : journal non politique, édition du 29 avril 1886, Léon BARRAL, tué en Afrique – Gallica
  2. Journal des débats politiques et littéraires, édition du 24 avril 1886, Colonies françaises – Obock – Gallica
  3. Jugement tenant lieu d’acte de décès du Sieur BARRAL Léon – Archives nationales d’outre-mer (ANOM)
  4. Dossiers nominatifs des personnes nommées ou promues dans l’Ordre de la Légion d’honneur  – Jean Augustin BARRAL (militaire) – Archives nationalessite de Paris – Cote LH/119/39
  5. École polytechniqueFiche matricule – BARRAL, Jean Augustin (X 1838 ; 1819-1884)
  6. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences – Premier mémoire sur la tabac par M. BARRAL – Gallica
  7. Portrait de J-A BARRAL – Le Panthéon scientifique de la tour Eiffel – Auteur :  BARRAL, Georges (1842-1913) – Gallica
  8. Portrait de Léon BARRAL – Le Monde illustré – Parution du 05 août 1886 – Gallica
  9. Le Panthéon scientifique de la tour Eiffel. Histoire des origines, de la construction et des applications de la tour de 300 mètres, biographie de ses créateurs, exposé de la vie et des découvertes des 72 savants dont les noms sont inscrits sur la grande frise extérieure. – Auteur :  BARRAL, Georges (1842-1913) – Gallica
  10. 1804 – Gay-Lussac et Biot à 4 000 mètres de hauteur – (Chromolithographie du XIXe siècle) – Wikimedia Commons
  11. Dossiers nominatifs des personnes nommées ou promues dans l’Ordre de la Légion d’honneur  – Jean Augustin BARRAL (Chimiste) – Archives nationalessite de Paris – Cote LH/119/41

#s3gt_translate_tooltip_mini { display: none !important; }

3 pensées sur “De Djibouti à la Tour Eiffel, une #généalogie sanglante et savante”

  1. Vous avez commis une petite erreur dans votre portrait de Léon Barral. Le portrait d’Eugène ISABEY a malencontreusement remplacé le sien. Les deux sont en effet reproduits sur la même page d’une revue, mais vous n’avez pas choisi le bon. C’est dommage car votre site est intéressant.

    Reste aussi une énigme à résoudre : qui était cette femme française accompagnant Léon Barral vers le Choa en 1886, et qui a été tuée avec lui ? Puisque ce n’était pas sa femme, (contrairement au témoignage de Jules Borelli), comme en ont témoigné, alors, les frères du défunt, in Le Figaro. Un petit détail ayant d’évidence échappé à JJ. Lefrère, et à beaucoup d’autres.

    Circeto

    1. Bonjour,

      Merci pour le partage de cette information. Le visuel étant erroné, il a été retiré.
      L’énigme est intéressante, des recherches s’imposent ! J’invite qui le souhaite à participer à sa résolution.

      Eric

Commentaire