Dans sa prison, Rome, effrayé du résultat que pourrait avoir l’enquête, écrivit au nommé Para pour lui dicter un faux témoignage et l’engager à accuser l’oncle de Célestine, le nommé Espié.

Ce fait est affirmé par son co-détenu Escallier.

Marguerite Beaudoin, La femme Rome, après de nombreux mensonges, a fait des révélations qui sont autant de témoignages contre son mari ; elle a déclaré que, dans sa pensée, elle était convaincue que sa fille était morte empoisonnée, que Rome la maltraitait sans cesse, et qu’enfin un soir elle avait reçu de son mari une lettre qui l’invitait à se rendre sans retard chez son père.

Là, on lui raconta que Rome lui enjoignait de remplir une bouteille d’un mélange d’eau de vitriol, d’aller la cacher chez Espié, de provoquer une recherche et que de cette manière, lui, Rome, sortirait de prison et que l’autre serait mis dedans.

Tout en faisant cette communication à sa belle-fille, la mère de Fidèle Rome lui dit :

Ah ! le malheureux, lui-même se met dedans, lui-même se condamne.

Rome oppose à ces faits évidents des dénégations qui ne font que donner plus de force aux preuves terribles qu’il a fournies contre lui-même. Il est à remarquer que le poison qu’il veut faire cacher chez Espié est précisément de la même nature que celui auquel les médecins attribuent l’empoisonnement.

En conséquence, Fidèle Rome est accusé :

1. D’avoir, le 18 décembre 1849, audit lieu des Bassets, commune de Gap, commis un attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence sur la personne de Rose Espié, alors âgée de moins de quinze ans

2. D’avoir, dans le courant de janvier 1850 , au même lieu , commis une tentative de viol sur la personne de Célestine Marcellin, laquelle tentative, manifestée par un commencement d’exécution, n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur

Et d’avoir commis ce crime avec les circonstances :

1. Que ladite Célestine Marcellin était âgée de moins de quinze ans

2. Qu’il était beau-père et cotuteur de ladite Célestine, et, comme tel, avait autorité sur elle

3. D’avoir, dans le courant de janvier 1850, aux Bassets, commune de Gap, volontairement attenté à la vie de Célestine Marcellin, en lui administrant des substances qui pouvaient donner la mort et qui l’ont en effet occasionnée.

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Jamais accusé n’étala devant ses juges plus d’impudence, plus de cynisme que ne fait Rome ; il accuse l’honorable magistrat instructeur, les médecins chimistes d’avoir formé un complot contre sa vie :

– Je suis donc aussi du complot ? lui demanda M. le Président des Assises

– Certainement, répond Rome

Si l’accusation avait manqué d’éléments la tenue de cet homme, dont le regard accuse tour à tour l’hypocrisie, l’astuce ou la férocité, dont les lèvres contractées ne s’ouvrent que pour vomir l’injure contre les témoins, les magistrats, les médecins et pour flétrir d’une abominable imputation cette jeune fille qu’il confesse avoir souillée, la tenue de cet homme, durant ces longs et scandaleux débats, aurait suffi pour éloigner de ses juges toute pensée de pitié.

Aussi a-t-il été déclaré coupable sur tous les chefs et condamné à la peine de mort.

L’exécution a eu lieu sur le cours Barthalaïs de la ville de Gap, le mardi 12 novembre 1850, à dix heures du matin, au milieu d’un grand concours de peuple et d’une foule importante d’étrangers venus à la foire qui se tient au chef-lieu du département.

Rome a reçu la triste nouvelle de son exécution avec une résignation et un repentir qu’il a portés jusques sur l’échafaud. On ne peut attribuer qu’à la religion le changement sensible opéré dans cette nature qui se montrait si féroce lors des débats.


Lire ou relire, L’affaire Joseph-Fidèle Rome, Épisode 1 & Épisode 2 ou notre publication [Archives judiciaires : coupable ou non coupable ?]


  1.  L’aiguiseur de faux, Annuaire illustré des Hautes-Alpes [AD05 – Cote 8° PER 8]
  2. Plan de Gap, Annuaire illustré des Hautes-Alpes [AD05 – Cote 8° PER 8]
  3. Acte de + de Joseph-Fidèle Rome, Gap, 12 novembre 1850 [AD05 – Cote 2 E 65/49]

D’après l’arrêt rendu en 1850 par la cour d’assises du département des Hautes-Alpes [Bibliothèque numérique des AD05]

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